Tourisme, dans l'urgence - Plan B ou plan C ?

LE MATIN: Le contexte du printemps arabe pèse actuellement dans le secteur du Tourisme qui enregistre une stagnation dans les pays du Maghreb et même au Maroc. Quels regards posez-vous sur ce secteur ? PATRICK SIMON: Pour moi le Maroc a fondé une image certaine d'un tourisme qui plait, qui correspond à l'idée que l'Européen s'est faite de l'histoire touristique qui le lie au tourisme d'affaire, aux vacances, détente, tourisme balnéaire, famille, bronzage idiot, les besoins de changement, de dépaysement, de loisirs dans une société qui change et évolue : cela est effectivement un fait acquis. Le Maroc n'a pas de soucis à se faire à ce sujet, d'autant que suite aux recommandations et à une volonté politique certaine, le Maroc s'est affirmé dans le Tourisme Maghrébin, Méditerranéen comme une destination de niveau, de haut niveau, conforme aux demandes des temps présents et à venir ! Vous évoquez la situation actuelle que nous traversons qui me semble plus grave qu'elle ne parait, que cela est malheureusement déclaré. Elle résulte certes du printemps arabe qui interroge, de l'attentat odieux d'Argana qui a touché Marrakech mais aussi le Maroc tout entier d'une part, et également d'une situation internationale mouvementée sur les plans économiques, financiers et sociaux .
Le contexte international et national impacte les flux touristiques, dites-vous. Pouvez-vous préciser votre pensée ? Soyons suffisamment lucides pour reconnaître que les courbes et les signes annonciateurs d'une crise étaient déjà là avant ces faits ! Le monde va être soumis à des turbulences qui ne peuvent qu'être prises en compte : je pense aux élections françaises, européennes, américaines d'une part, à la crise financière internationale en gestation dont témoigne les déficits publics abyssaux de nombreux pays européens, Grèce , Espagne , Irlande , Portugal. Au Maroc, les prochains grands chantiers, élections, régionalisation, restructuration d'autre part risquent de ralentir la cadence .Le Maroc regarde le Monde mais le monde en cela regarde le Maroc qui, incontestablement sous les consignes éclairées de Sa Majesté le Roi permettront avec le Conseil, le Comité d'offrir les outils nécessaires au Maroc de demain. Même si l'on dit que les indicateurs de ce secteur sont au vert, qu'en est-il réellement ? Le monde du Tourisme au Maroc avec sa Vision 2020 signés à Marrakech le 30 novembre dernier se trouve véritablement perturbé à la fois parce que les recommandations et résolutions font état de différences entre régions, mais également du fait de la mise en place de la régionalisation qui obligatoirement remettra en cause des intérêts interrégionaux et d'influences qui, à mon avis ne peuvent en aucun cas être ignorés .Les régions sont différentes , déterminées par des actions sur certains secteurs, vers certaines régions, et pas d'autres, du fait d'un non-positionnement des professionnels. Vous vous plaignez du manque de synergie des associations professionnelles qui ne travaillent pas dites-vous en « intelligence collective » ? Le milieu professionnel du tourisme reste divisé et affaibli par son manque d'intérêts communs, comme par son manque de participation dans sa propre prise en charge de son milieu corporatif, associatif, professionnel, par manque de liens entre les diverses instances, par manque de coordination professionnelle reconnue, établie, inter active dans les définitions qui en sont faites à l'heure actuelle. Les responsabilités sont à trouver dans des sources de financements fédératifs ou associatifs obsolètes, par le manque d'un « Plan Emergence du Tourisme » qui doit et devrait réunir les différents protagonistes que sont autorités de tutelle, professionnels, instances régionales, mais aussi et bien entendu ONMT, FNT, CRT. Le paradoxe réside certainement dans le fait que la « mort annoncée » des CRT (moteurs régionaux), qui sont actuellement les éléments essentiels de la représentation touristique professionnelle et en cela, de sa propre sensibilisation régionale, sociale, n'aura fait que compromettre et remettre en avant les vieux démons du « qui est qui, qui fait quoi ?» et ce, malencontreusement lors d'une période devenue agitée. La FNT signataire du contrat-programme Vision 2020 est actrice dites-vous du passé, du présent comme du futur ! Pour le futur il faudra un « aggiornamento » ? Malheureusement la FNT garde son image des Fédérations des métiers du Tourisme, divisées et qui pour certaines auront trop fait étalage de leurs problématiques, divisions et incapacités à agir dans ces conditions, également par faute de moyens. Une nouvelle équipe aura à réviser son organisation interne afin de se hisser au niveau des réformes structurelles annoncées. La FNT par ailleurs conserve sa problématique de financement. Pour agir, elle aura à régler les définitions d'un « Tourisme Nouveau », présentement confronté à une situation de crise, soumis à ses doutes mais aussi et surtout confrontés à des choix qui ne sont plus marocains, mais identitairement les mêmes que ceux des autres pays ayant à vivre cette même crise. Sa nouvelle équipe, engagée aura en premier lieu à faire sa mise à niveau. Signataire de la Vision 2020 elle se doit d'assurer le regard critique et positif sur les 44 points qui la constituent. Elle aura en cela pour envisager l'avenir à associer par renouvellement, par besoin, par différence les nouveaux métiers du tourisme d'aujourd'hui qui sont transport, animation, communication, environnement, énergies renouvelables… Elle aura à définir exactement les rôles de coordonnateur entre le travail de réflexion, d'action, d'évaluation et suivi. Sa perception des nouveaux outils et mise à niveau devra être affinée pour être en déclinaison vers la base, les régions associées à celles émergentes de la régionalisation, des nouvelles donnes administratives régionales et locales qui vont se mettre en place pour cette même période. La grande question qui se pose c'est de savoir si elle aura les moyens d'agir effectivement, pour et dans l'immédiat ? Dans ce sens, quelles recommandations pourrez-vous faire ? J'ai été un de ceux qui pour la Vision 2010 ont exigé d'intégrer « Tourisme culturel et national » : ils avaient été omis dans les premières moutures ! Le Maroc est un très beau pays et il est bien entendu que l'on aura toujours tendance d'aller chercher ailleurs ce que l'on a à côte de soi. C'est le cas au Maroc où l'on a exacerbé ce fait en ne prenant pas compte, du moins en temps voulu, du moins avec la force et les moyens s'y rapportant pour agir sur les hébergements résidentiels adaptés aux familles marocaines, sur les remises à niveau des sites historiques, urbanistiques, religieux, culturels, patrimoniaux, montagnards, oasiens, balnéaires sportifs, toutes régions confondues, etc. Il faudra aussi agir sur le secteur de l'animation culturelle intégrée, associée à ces actions pour la famille marocaine, mais aussi celle des MRE avec quelques adaptations. Il faudra également veiller à la mise en place de schémas directeurs régionaux, touristiques, culturels, patrimoniaux avec les moyens résolvant circulations, services et aménagements structuraux de ces faisabilités. Il y a tout un travail à faire pour élaborer et structurer les niches patrimoniales du passé et du futur afin d'établir ces besoins et la volonté de reconnaître chez soi ce que l'on a tendance à aller chercher chez les autres .Il faut impérativement reconnaître au Tourisme marocain « l'identité marocaine » : les temps présents en sont la preuve formelle, oubliant en cela le fondement de l'histoire touristique qui a fait qu'avant d'être de loisirs ou balnéaire, etc. le tourisme originel aura toujours été familial, national: c'est en cela que les équilibres des pays dits traditionnellement touristiques ont toujours su conserver l'équilibre vis-à-vis d'éléments extérieurs, internationaux. A court terme, on fait quoi sachant que la période de Ramadan est plus propice au recueillement et au repli familial qu'au tourisme ? Seule, dans l'urgence, la voie avec les acteurs actuels que sont CRT, FNT, ONMT, interfaces présents, actifs et réactifs, peut réunir les synergies pour s'activer à établir le plan Emergence. Ce dernier par des actions coordonnées, opérationnelles, considéré ainsi par des acteurs professionnellement et insti...

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